Les ports face au recouvrement des redevances domaniales

Les redevances d’occupation du domaine public portuaire sont dues dès qu’il y a occupation privative du domaine public portuaire, du plan d’eau, et n’ont pas de caractère fiscal (1). Elles ne constituent pas un loyer, mais la contrepartie du droit d’occuper le domaine public. En ce sens, un port autonome ne peut en théorie faire valoir de privilège d’aucune sorte auprès d’un occupant en difficulté. Cette situation est regrettable pour le port autonome car, en cas de procédure collective, sa qualité de créancier chirographaire le met en position de ne jamais recouvrer sa créance.

Cette dernière hypothèse illustre parfaitement les contradictions du régime du domaine public portuaire : le régime domanial restrictif a pour effet de fragiliser la position financière des occupants, jusqu’à aboutir à une situation éminemment paradoxale, violemment déplorée par la Cour des comptes (2). Les ports autonomes sont en effet amenés à intervenir pour sauvegarder ces activités, procédant à une véritable « mise sous perfusion » des opérateurs. La méthode adoptée est celle du non recouvrement de leurs créances, notamment domaniales.

Le régime domanial, dont la vocation est justement de protéger le service public portuaire, se trouve être à l’origine de deux effets pervers incontournables qui immobilisent les autorités portuaires. D’une part, les autorités portuaires sont entraînées à soutenir des occupants qui n’ont aucune solidité, au risque de supporter des responsabilités qui incombent aux opérateurs privés. D’autre part, elles s’exposent de fait à la censure juridictionnelle, en ce que leur libéralité s’interprète comme une aide d’Etat. Pour finir, le délabrement financier des opérateurs (des opérateurs de manutention) se répercute sur les ports autonomes qui, dans la suite logique de ce processus, ne peuvent rien récupérer de la disparition d’un occupant. Ce « cercle vicieux domanial » ne cause pas un préjudice au seul occupant : il entraîne à sa suite l’autorité portuaire. Ces deux intervenants ont donc un intérêt commun, et cet exemple met en lumière que ce qui renforce l’un, est susceptible de renforcer l’autre.

La Cour des comptes estimait en 1998 à 205,5 millions de francs anciens, soit plus de 30 millions d’euros, la créance des ports autonomes sur les entreprises de manutention.

(1) CE 29 novembre 2002, n° 219244, AJDA 2003, p. 1016
(2) Cour des comptes, La politique portuaire française, Rapport public, 1999

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