Le Péloponnèse, une île ?

La Cour de Justice des Communautés, prenant en compte un critère purement géographique, réfute l’insularité du Péloponnèse.

Dans un arrêt rendu le 21 octobre 2004, Commission c. Grèce, C-288/02, la Cour de Justice ébauche une définition de la notion d’île au sens du droit communautaire (conclusions ici).

Le règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, a étendu le principe de libre prestation des services aux services de transport maritime à l’intérieur d’un État membre (cabotage maritime).

Le cabotage avec les îles de la Méditerranée était toutefois temporairement exempté de l’application du règlement.

La Grèce soutenait donc, s’appuyant sur l’étymologie du nom, que le Péloponnèse étant une île, l’exonération prévue à l’article 6.3 du règlement pouvait être étendue aux services de cabotage maritime entre les ports du Péloponnèse et entre les ports du continent et ceux du Péloponnèse.

La Grèce tentait de faire admettre une acception large de la notion d’île, qui n’est pas définie par le droit communautaire, soulignant notamment que le règlement utilisait des critères autres que le fait d’être effectivement entouré par la mer. Ceuta et Melilla, par exemple, qui sont considérées comme insulaires par l’article 2.1.c du règlement, sont pourtant situés sur le littoral du continent africain.

La Cour, pour rejeter l’argument, répond que « le règlement ne contenant pas de définition de la notion d’île, il convient d’avoir recours au sens commun de cette notion en vertu duquel une île se définit, dans un contexte maritime, comme une étendue de terre ferme émergée d’une manière durable dans les eaux d’une mer ».

La Cour privilégie le critère géographique, et rejette les arguments socio-économiques tirés de l’organisation structurelle de l’accès à un espace non insulaire mais globalement morcelé, lié à un ensemble fragmenté et figurant parmi les régions les moins favorisées.

En refusant d’intégrer des données liées à la cohésion économique et sociale dans la définition de l’insularité, la Cour lève l’ambiguïté liée à l’interprétation de l’article 158.1 du Traité de Rome, ainsi rédigé :

« Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique et sociale. En particulier, la Communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales. »

La Cour déjoue par une prise de position nette le projet grec d’imposer une liaison quasi inébranlable entre les régions insulaires et celles souffrant d’un retard de développement, au point de les confondre.

Elle s’en tient à la règle établie par l’article 121.1 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, à laquelle la Communauté est partie depuis le 1er avril 1998, selon laquelle « une île est une étendue naturelle de terre entourée d’eau qui reste découverte à marée haute ».

La notion d’île avait déjà été abordée par la Commission, qui avait adopté une vision très restrictive, considérant que constituait une île un territoire entouré d’eau : 1. possédant au moins 50 habitants permanents, 2. non relié au continent par un dispositif permanent (pont, tunnel, chaussée…), 3. distant d’au moins 1 km du continent, 4. n’abritant pas de capitale d’un Etat membre de l’UE. (Portrait des îles, Publication de l’Eurostat et de la Direction générale pour une politique régionale sous l’égide de la Commission européenne, Bruxelles, 1994)

Cette définition, sans valeur normative, et donnée à l’occasion d’un simple rapport statistique, témoigne néanmoins d’une tendance des instances européennes à adopter une conception restreinte de l’insularité.

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